Toujours en exploitation, La Loi de la jungle (2016) d’Antonin Peretjatko est une comédie loufoque et souvent drôle, portée par le duo Vincent Macaigne et Vimala Pons, qui raconte les tribulations du stagiaire Marc Châtaigne (Macaigne) envoyé par le Ministère de la Norme pour vérifier – entreprise kafkaïenne – la conformité aux normes européennes du chantier de piste de ski « Guyaneige » en Guyane. Peretjatko inclut dans son film plusieurs références au problème des normes excessives en France (pays jacobin où la centralisation et la méfiance vis-à-vis de l’activité privée ont produit une surréglementation, bien que Peretjatko relie ce problème aux normes communautaires qui se heurtent au statut particulier de la Guyane), à cette incongruité bien française voulant que les ministres ne soient presque jamais des spécialistes de leur domaine d’activité, à la précarité des stagiaires, etc. Plusieurs dialogues (le « à droite toute » de l’huissier) et situations (le comptable au cerveau de fromage blanc), ainsi que les collages (le « la gauche » de la fin, les collages godardiens récurrents), marquent nettement les préférences politiques de Peretjatko, mais toute la charge contestataire du film est dans le même temps déminée par sa bouffonnerie permanente et par l’abattage du couple Macaigne – Pons, tous deux assez irrésistibles (même si leur numéro est maintenant bien rodé), lui en stagiaire lunaire et gaffeur, elle en Indiana Jones féminin et sexy. Peretjatko a le bon goût de ne pas se prendre trop au sérieux.
Tant mieux pour nous : le film gagne en drôlerie ce qu’il perd en idéologie et l’on oublie bien vite la métaphore inaugurale de la France livrée à la loi de la jungle (la statue de Marianne tombée de l’hélicoptère) pour suivre Macaigne et Pons dans la forêt. On rit par exemple beaucoup lors de la scène de l’aphrodisiaque. Et on est épaté par l’engagement de Macaigne et Pons dans leur rôle, qui donnent de leur personne en se retrouvant parfois nus dans la jungle, en faisant eux-même nombre de cascades, ce qui est parfaitement cohérent avec la philosophie de ce film foutraque et décalé où le réalisateur se permet à peu près tout (du moins dans le cadre de son esprit comique potache), mélangeant les comédies avec Pierre Richard (celles de Zidi pour la réalisation et les situations, comme celles de Veber – l’exotisme et le nom « Châtaigne » qui fait penser à « Pignon »), Tintin et les Picaros (les guérilleros dans la jungle), Goldorak (la bande-son) et les films de (feu) Bud Spencer-Terence Hill (les bruitages de baffes). Le sigle et la musique de l’ORTF achèvent de donner à cette comédie régressive, qui fourmille de petits gags et de scènes picaresques, d’une qualité certes inégale (la scène de baffes dans la jungle, plaisir coupable, est bien longue), un arrière-goût de comédie des années 1970. On perçoit une certaine nostalgie de ces années-là, sans doute idéalisées (années d’enfance du réalisateur, mais aussi années de censure, de petits arrangements entre amis, de corruption de certains édiles, et du financement occulte des partis politique). Cependant, à choisir entre cette résurgence de la comédie française sans prétention des années 1970, et le pseudo-naturalisme de trop de films français actuels à la facture technique déficiente (Tout de suite maintenant, récemment chroniqué, n’est qu’un exemple parmi d’autres), on prend sans hésiter la première d’autant que La loi de la jungle est un film bien fait et bien cadré.
Strum
Pas spécialement tenté par le projet, je suis quand même curieux de le découvrir pour Vimala Pons dont la filmographie m’intéresse et que j’essaie de suivre en salles 🙂
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Si tu aimes Vimala Pons, je te conseille sans hésiter de voir le film, où comme je l’écris elle donne de sa personne.
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