
Dans la carrière de Hawks est souvent revenue cette situation d’un groupe d’hommes et de femmes contraints de faire face ensemble à l’adversité. C’était pour Hawks, sans doute, l’occasion d’observer comment se révélaient les héros, se nouaient les alliances, se formaient les rivalités, se chamaillaient les couples en sursis ou en devenir, en fonction des aptitudes et des affinités. Le groupe fait ressortir certains traits de caractère mais il a aussi valeur de test. C’est du moins ainsi que l’entend Hawks.
Dans Seuls les anges ont des ailes (1939), le groupe est formé de pilotes d’une aéropostale sise dans une petite ville portuaire du Pérou entièrement reconstituée en studio avec les artifices hollywoodiens de l’époque, que l’on retrouve dans l’éclairage, les décors, la brume qui envahit l’espace. Autant dire un territoire de cinéma où, même si Hawks jurait que le film s’inspirait de faits réels, l’imaginaire hawksien se substitue à la réalité. Il convoque un improbable chef de bandes au chapeau blanc, le dénommé Goeff Carter (Cary Grant), qui mène une troupe de pilotes trompe-la-mort, prompts au sacrifice, à la manière des pilotes de Vol de nuit de Saint-Exupery. Kid (Thomas Mitchell) est son ami fidèle, presque son compagnon, qui le connaît comme personne et sait pourquoi Geoff ne jure que par l’héroïsme muet des vols en aveugle au-dessus de la Cordillère des Andes : pour oublier une blessure passée. Plus il vole, plus il oublie, et plus il oublie, plus il vole. Il y a beaucoup de choses que l’on ne sait pas dans ce film, qu’il est d’ailleurs difficile de ranger dans un genre particulier, puisqu’il oscille tour à tour entre la comédie de moeurs (le début), le drame (la mort des pilotes), l’aventure (l’exotisme et les exploits aériens). Seuls les anges ont des ailes est plusieurs films à la fois, sans jamais choisir un genre, Hawks étant soucieux comme Goeff de ne pas trop en dire.
Deux femmes vont successivement se joindre à la bande, selon un schéma hawkien éprouvé. Sauf qu’il n’y a pas ici d’inversion des caractères féminins et masculins comme dans d’autres films de Hawks où la femme prend les devants. On peut même dire que Bonnie Lee (Jean Arthur) est aussi étrangère à la compagnie aérienne de Geoff qu’elle l’est au cinéma de Hawks, qui ne s’embarrasse généralement pas de sentimentalisme. En elle, réside un mélange de candeur et d’obstination. Sans doute l’obstination est-elle hawksienne mais pas la candeur, ni l’inertie. Bonnie Lee est arrivée à Barranca par hasard mais elle met à profit sa rencontre avec Geoff pour décider que ce n’est pas un hasard si elle le rencontre : il est l’homme qu’elle veut aimer envers et contre les apparences. Les apparences, c’est ce que fait voir Goeff, qui refuse farouchement de montrer ses émotions, qui affiche un désir de jouer les héros ; et chacun sait qu’à force de jouer un rôle on devient le personnage qui n’était que joué. Bonnie restera dans l’ombre, patiemment, obstinément, jusqu’à ce que Geoff cède. Elle finit par le conquérir en devenant son contraire, en lui prêtant un envers, en exprimant pour lui ce qu’il est incapable de dire par des mots. Lui qui est toujours en mouvement se trouve avoir besoin de quelqu’un d’immobile et stable auprès de lui, sur lequel compter (Kid auparavant et désormais Bonnie Lee). C’est le côté théâtral de ce film très écrit où chacun joue sa partition. Entre chaque exploit aérien, la petite troupe chante assemblée près du piano : rituel de rassemblement très hawksien.
Strum
Un « classique » dont je ne me lasse jamais!
Je ne le regarde maintenant qu’en V.O rien que pour le plaisir des voix de Cary Grant et Jean Arthur 😉
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La VF, qu’est-ce que c’est ? 😉
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J’aime beaucoup le film, avec une mention particulière pour la toute fin, une des plus gracieuses que j’ai vues au cinéma.
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C’est vrai que la fin est très réussie. Ce n’est pas mon Hawks préféré mais c’est un film important dans son oeuvre c’est sûr.
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