Aux Etats-Unis, Le Parrain (1972) de Coppola est considéré comme l’un des plus grands films jamais réalisés. On ne contestera pas directement le bien-fondé de ce jugement, sans pour autant le partager, mais on s’intéressera en particulier à ce qu’il pourrait révéler de la psyché américaine. Revoir Le Parrain aujourd’hui, c’est d’abord constater l’adéquation parfaite entre les acteurs et les rôles qu’ils incarnent. On n’imagine personne d’autre que Marlon Brando, la mâchoire grossie de coton, en Don Corleone, qu’Al Pacino, aux yeux fixes, en Michael Corleone, que James Caan, aux emportements excessifs, en Santino. Qui d’autre que Robert Duvall et son visage immobile, pour incarner le Consigliere de la famille Corleone, que John Cazale aux traits hâves pour être Fredo, que Talia Shire, la sœur de Coppola, pour être Connie ? Quels autres acteurs italo-américains pour prêter leurs visages creusés et noircis au géant Luca Brasi, au fidèle Clemenza, au traitre Tessio, que Lenny Montana, Richard Castellano et Abe Vigoda ? Qui, hors Diane Keaton, pour avoir le regard triste de la pauvre Kay ? C’est ensuite être frappé par les oppositions de lumière organisées par le chef-opérateur Gordon Willis, qui plonge d’emblée l’antre du Don dans cette pénombre qu’il affectionnait, tandis qu’au-dehors le mariage de Connie se trouve baigné de soleil : d’un côté, la nature obscure des activités de la famille, faite de meurtres, de chantages, de fidélités ensanglantées, de l’autre son versant extérieur, sa prétention à la normalité, où les chansons, les sourires des invités, les rires des enfants voudraient faire croire qu’au fond, c’est une famille comme les autres, soucieuse de ses membres et de ses proches. Le « Prince des ténèbres » : c’est le surnom que son travail sur la pénombre avait valu à Gordon Willis. Titre opportun car c’est un autre prince de cette espèce qui est le personnage principal du Parrain. C’est encore se souvenir de dialogues passés à la postérité (“ I believe in America” ; “I’m gonna make him an offer he can’t refuse” ; “It’s not personal Sonny, it’s strictly business” ; “Who’s being naïve; Kay” ? “Leave the gun, take the cannoli”). C’est enfin se laisser emporter par la fabuleuse musique de Nino Rota, dont Robert Evans, qui produisait et se piquait de musicologie après le succès de Love Story, ne voulait pas. A peine voulait-il de Coppola d’ailleurs, qui se souvient n’avoir sauvé sa position de réalisateur qu’après avoir montré à ses producteurs les rushes du meurtre de Sollozzo.
Toute la première partie du film tient sur cette lancée, se nourrit du mouvement de cette rampe de lancement bichromatique, d’ombres et de lumières, où la famille Corleone nous est présentée. Et puis, la litanie des meurtres s’enclenche. Discrètement, par la petite porte, plus exactement par une tentative de meurtre à laquelle Vito Corleone, le Don, survit miraculeusement, après avoir été mitraillé à bout portant. Le scénario très habile de Coppola a fait de Michael, le « civil » de la famille, un héros de guerre bardé de décoration, un intercesseur, notre Virgile dans ce milieu marqué de souffre, celui auquel on s’identifie parce qu’il affirme, du moins est-ce qu’il dit à Kay, que lui-même n’est pas du monde de la mafia (« This is my family, not me »). On le croit d’abord sur parole, surtout lorsqu’il s’avise que son père se retrouve sans protection aucune à l’hôpital, et que sa piété filiale lui prête la force de protéger le Don, de jouer les sentinelles sur le perron au péril de sa vie. Du reste, les Corleone ne sont-ils pas présentés comme les « gentils », les offensés, dans cette histoire, Sollozzo et les Tattaglia n’ont-ils pas tenté d’assassiner Vito parce qu’il refusait de prendre part au lucratif trafic de drogue pour des raisons où entre une morale ? Coppola a si bien réussi son coup que lorsque Michael propose comme seule issue pour protéger le Don de tuer Sollozzo et McCluskey (Sterling Hayden), l’officier de police corrompu qui le protège, on ne rechigne pas encore, on y voit une juste rétribution, et on tremble pour Michael lorsque, chez Louis, il fixe ses yeux immenses et brûlants sur ces deux hommes qu’il s’apprête à assassiner.
On ne réalise pas encore que Michael n’est plus le sympathique fils prodigue du début, au bras duquel glissait la délicate Kay aux tenues virginales. Cette transformation soudaine, Coppola et Pacino vont la représenter de concert : le premier en resserrant ses cadrages sur la douce figure du jeune homme, accréditant ainsi son changement de statut par rapport au mariage du prologue, le second en prêtant à ses yeux une fixité de dément. Observez bien la scène du mariage où Pacino parle de Luca Brasi à Keaton : ses yeux sont baissés, il bat des cils, son regard a quelque chose de modeste. Mais lors de la scène du meurtre de Sollozzo et McCluskey, le regard de Pacino est devenu absolument fixe et de tout le film on ne lui verra plus tolérer un seul battement de sourcil. Le Parrain, croit-on, est l’histoire d’un homme devenant le monstre qu’il ne voulait pas être. Mais en réalité, la transformation est beaucoup moins progressive qu’on ne se le rappelle, comme si un germe diabolique avait planté ses racines dans le for intérieur de Michael bien avant le récit. Dans les faits, dès que les jours de son père sont en danger, Michael devient une machiavélique machine. Son visage peut bien rester doux et aimable, les forges de l’enfer travaillent déjà à l’intérieur de ses tempes, jusqu’au blasphème final où il reçoit l’onction en tant que parrain du fils de sa sœur Connie, alors que s’affaissent en montages parallèles tous ceux dont il a commandité l’assassinat. L’absolution par les rituels qu’il espère dans sa démence est hors de sa portée.
Diabolique est la construction du récit qui nous contraint de prendre parti pour les Corleone, et qui révèle que Michael, ce Virgile au regard d’abord extérieur qui nous guidait dans les enfers, est le véritable prince des ténèbres du film plutôt que Gordon Willis. Les épreuves qu’il subit (le coup reçu en apprenant la quasi-mort de son père, son exil dans les terres ancestrales de l’ocre Sicile, la mort de sa femme) sont autant d’évènements conçus pour que nous le plaignions, le justifions peut-être, lui un assassin sans scrupules, et cette habileté du scénario peut être vue comme une circonstance aggravante. C’est cette mansuétude du récit pour Michael qui retient notre adhésion sans réserves devant le film. On peut de même regretter le caractère rectiligne du chemin qu’il suit, où s’entassent sur les bas-côtés toujours plus de cadavres, chemin où il marche en silence, écrasant les autres sous couvert de piété filiale. C’est que Michael est lui-même un personnage rectiligne, sans qualités, tout entier contenu dans ses actes criminels, dont la vie intérieure s’est dissoute dans le gouffre béant des immenses yeux noirs d’Al Pacino, n’ayant d’autre centre d’intérêt que celui exclusif du clan Corleone, qui peut-être n’épouse Kay que parce qu’elle est le paravent de candeur adéquat pour cacher le cimetière de sa conscience. La violence est le seul mode de résolution des dissensions qu’il envisage et même selon les critères d’aujourd’hui le film reste violent. Les meurtres ont lieu par épisode, comme un rituel par nature cyclique. Le caractère épisodique de l’ensemble prolonge le feuilleton d’antan et anticipe le goût actuel pour les séries, ce qui pourrait expliquer en partie pourquoi le consensus critique entourant le film ne s’est pas démenti malgré les réserves que j’exprime ici.
« I believe in America », énonce la phrase d’ouverture, qui sonne comme le motto de cette entreprise de sang et de mort. Fascination morbide de l’Amérique pour les rituels de la violence et des armes, dont une part significative de spectateurs et des critiques ont décidé que ce récit funèbre, privé d’autres expériences humaines que celles de la paranoïa, de la violence, des pulsions de mort, devrait être, entre tous les chefs-d’œuvre produits à Hollywood, si riches de personnages et de sentiments complexes, le plus grand d’entre eux. Peut-être rétorquera-t-on que l’Amérique des Corleone n’est pas la véritable Amérique, pour autant qu’une telle entité existe dans le pays du melting pot, qu’elle en est justement le versant malade, et que le film pose la question du conflit entre l’atavisme familial (ici, dans son versant sicilien où priment les questions d’honneur) et les institutions légales impuissantes à neutraliser un potentat du calibre de celui des cinq familles mafieuses de New York – avec lesquelles la production du film en vint même à discuter pour obtenir leur bénédiction et des facilités de tournage selon la légende. Et sans doute cette question du devenir des racines dans les familles d’exilés est-elle au cœur des interrogations d’un cinéaste italo-américain tel que Coppola. Mais le triomphe de Michael et du film est trop singulier pour que la question de sa place et de son héritage ne soit pas posée. Toute une partie du cinéma du Nouvel Hollywood (dont Le Parrain fait partie) se partage du reste cet héritage de la violence, que ce soit les films de Scorsese, de De Palma ou de Friedkin, faisant voir combien la violence est une donnée fondamentale de la culture américaine. Ce n’est peut-être pas un hasard si un autre pan du Nouvel Hollywood, celui consacré non pas à la violence mais aux thèmes de l’errance et de la recherche du père, et qui comprend les films au moins aussi beaux de Hal Hartley, Robert Altman, Jerry Schatzberg, Bob Rafelson, Peter Bogdanovitch, demeure moins connu. C’est regrettable.
On oppose généralement la retenue du Don, qui refuse au départ de participer au trafic de drogue, et qui représenterait la mafia de l’ancien temps, solidaire et tempérante, au matérialisme cynique de Michael, que seul intéresserait l’efficacité de ses affaires (« it’s strictly business »). Mais cette analyse semble sous-entendre qu’il y aurait quelque chose d’acceptable dans l’activité de la famille au début du film alors qu’il n’en est rien. Comme le montre l’odieux chantage dont fait l’objet le producteur de cinéma Wolz qui refuse de donner un rôle au crooner Johnny Fontane (épisode inspiré, dit-on, de la vie de Frank Sinatra, qui fut protégé par la mafia), et qui en paie le prix en monnaie de cheval (si l’on peut dire), les manigances des Corleone sont d’emblée abjectes et illicites. Le rêve du Don est pourtant de faire de Michael un homme engagé dans une profession honorable, libéré des atavismes familiaux et lavé du sang des ancêtres. S’il parait triste et comme éteint, à la fin du film, sirotant son vin italien, c’est parce qu’il a pris la mesure de son échec, parce qu’il voit peut-être quel Don impitoyable Michael est en train de devenir. Si le regret de Vito est sincère alors le choix de Michael de poursuivre les activités mafieuses de son père relèverait contre toute attente d’une trahison du sentiment de piété filiale.
La première fois que l’on voit le film, affleure l’idée que le destin de Michael lui a été imposé, le double meurtre de Sollozzo et McCluskey devenant l’acte irréparable commis au nom d’une piété familiale mal appréhendée. En le revoyant, on prête moins de crédit à cette interprétation et l’on remarque davantage le caractère inflexible de Michael, que dissimulait le velours du début, de même que l’on aperçoit les illusions auxquelles succombe Vito. En espérant un avenir licite pour Michael, Vito sous-estimait peut-être la force des liens familiaux autant qu’il surestimait la moralité de son fils, son attachement à l’ordre légal. Les enquêtes sociologiques sur le mal et les crimes se demandent parfois s’il est possible d’identifier un acte, un seul, qui serait celui, irréparable, qu’il ne fallait pas commettre, qui désignerait le seuil au-delà duquel aucun retour en arrière n’est possible. Michael est un personnage trop insondable, ou trop imparfaitement écrit par Coppola et Mario Puzo, pour que l’on identifie avec certitude cet acte, surtout si l’on songe avec quel sang-froid il propose d’assassiner Sollozzo et McCluskey. A cette aune, ce ne serait pas le double meurtre de Sollozzo et McCluskey qui sonnerait le glas de la moralité de Michael, ni la tentative d’assassinat de son père l’ayant obligé à quitter sa vie de « civil », mais sa venue au mariage au début du film. Pour que Michael échappe à son destin de Corleone, il aurait fallu qu’il se défasse de tout lien avec le clan. En présumant que les responsabilités d’un Parrain sont similaires à celle d’un président ou d’un sénateur, lesquels seraient selon lui tout aussi coupables de meurtres que la mafia (« who’s being naïve Kay ? »), Michael se leurre sur la spécificité des activités mafieuses et reporte sur l’organisation de la société une faute qui est d’abord la sienne, car il lui manque une faculté essentielle pour un être humain : la reconnaissance de la valeur de la vie humaine. Infinie est la conscience d’un homme, sauf quand il s’agit d’un assassin aussi froid que Michael.
Coppola dût percevoir, du reste, les ambiguïtés du film, qui finit sur le triomphe de son prince des ténèbres, dont on baise les mains dans un murmure obséquieux. Car il montrera dans le Parrain II que Vito, le vieux Don, fut lui aussi un assassin dans sa jeunesse, et dans le Parrain III, le cruel châtiment, trop longtemps repoussé, de Michael.
Strum
Il n’y a pas qu’aux États Unis que le film est considéré comme l’un des plus grands film jamais réalisé. Aujourd’hui que chacun peut faire connaître sa propre liste de films préférés, on peut constater qu’il est souvent cité en Europe dans les sommets (lorsque j’étais adolescent la critique aimait glisser dans ces listes, des films confidentiels, ou les films peu connus de grands réalisateurs). Je pense que le succès du film repose sur une recette aujourd’hui bien établi : de nombreux personnages bien campés, et une intrigue feuilletonnesque pleine de bruits et de fureur. Personnellement j’apprécie ce film, et contrairement à la plupart des amateurs de la saga, je préfère le premier opus au second – et au troisième (qui souffre d’une moins belle facture, notamment à cause du coiffeur d’Al Pacino). Brando est sur la corde raide, il est presque ridicule, comme dans Apocalypse Now, où il n’a pas le physique pour camper un soldat, et pourtant il est incroyable. La sauce qui consiste à lier la fidélité à la famille et à l’Église, et la fidélité au crime organisé n’est pas exempt d’ambiguïté. Et oui, il y a une fascination pour le rituel mafieux. Cela dit chez quelqu’un comme Melville il y a une fascination pour le sens de l’honneur des truands – un sens de l’honneur, à mon avis complètement fantaisiste. Cependant je trouve le film moins ambigu que Il était une fois en Amérique, désormais – ce qui est plus étonnant – cité dans les listes des meilleurs films. Plus surprenant encore c’est de voir encenser le film Scarface de Brian De Palma, qui cause plus de problèmes : car là tout, ou presque, est vilain, et que Al Pacino cabotine comme il est interdit à un acteur de sa trempe. Et je ne parle même pas la musique du film au synthétiseur, qui ferait presque passer John Carpenter pour un compositeur.
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Oui, j’ai conscience de la haute estime dans laquelle est tenu le film en dehors des Etats-Unis également mais c’est là-bas que le culte du film est le plus fort, pour l’avoir constaté de mes propres yeux et oreilles. Je pense qu’Il Etait une fois en Amérique est un film différent où l’ambiguïté est de nature différente (elle a trait aux scènes de viol). Moi aussi je préfère Le Parrain I au II. D’une certaine façon, tout a déjà été dit dans Le Parrain I et la suite a un caractère compensatoire, n’est que le prolongement puis la sanction des actes du I. C’est un grand film bien sûr mais qui m’incite toujours à me poser des questions sur la nature de son attrait qui sont rarement abordées par la critique, et que j’ai essayé de formuler plus ou moins bien dans mon texte. Je n’ai jamais vu Scarface de De Palma et ce n’est pas faute d’en avoir eu l’occasion. J’aime bien De Palma et il faudra bien que je vois le film un jour, même si de manière générale, ces histoires de mafieux ne m’intéressent pas beaucoup.
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Le films de Leone fait quand même l’apologie du gangstérisme… Il oppose un gangster romantique à un gangster « corrompu » si j’ose dire…
Comme @Cabot je me suis toujours fait la réflexion que les italiens réalisaient des films beaucoup plus réalistes, et moins complaisant sur la mafia, peut-être parce qu’il la connaissaient de plus près. En dehors de Leone, mais Il était une fois en Amérique est plutôt un film sur le gangstérisme, si on peux y voir une nuance : il se situe dans la communauté juive, ce qui évite un rapport fasciné au rituel et à la tradition je pense.
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Leone est italien. Je ne crois pas qu’il fasse une apologie du gangstérisme dans Il était une fois en Amérique. Ses deux personnages (y compris Noodles) y sont affreux. Mais sinon, je suis d’accord avec vous deux : les italiens succombent en général moins facilement au travers de la fascination pour la mafia que les cinéastes italo-américains et n’ont je pense pas le même rapport avec la violence.
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Waouh ! Quelle chronique, une fois encore !
La seule question que je me pose après ça, c’est : est-ce que tu pourras nous livrer quelque chose d’aussi intéressant et dense au sujet des deux autres volets de la trilogie ? J’espère ! Simplement, il me semble que ce texte, bien qu’il concerne le premier épisode, embrasse à lui seul presque l’ensemble de la saga. Disons que tu n’aurais pu forcément pu écrire les mêmes choses si tu n’avais pas vu les deuxième et troisième opus. Je me trompe ?
En tout cas, bravo et merci, Strum ! Ce texte est passionnant et donne envie de revoir le film. Personnellement, je ne le placerai pas comme le meilleur film américain jamais tourné, parce que 1) il en es d’autres que j’aime davantage et 2) j’ai toujours du mal à affirmer de telles choses. Cela étant précisé, je considère toutefois comme un véritable chef d’oeuvre du cinéma… mondial.
Au plaisir de te relire bientôt, l’ami !
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Merci Martin ! Comme tu l’as deviné, je n’ai pas l’intention d’écrire sur Le Parrain II (qui me parait à bien des égards redondant) et sur le Parrain III et ce texte suffira en ce qui me concerne pour parler de cette trilogie de films dont je reconnais les qualités formelles sans toutefois y adhérer pleinement.
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Pour apporter une fausse note à ces « éloges », je n’ai jamais compris le « culte » autour du Parrain. J’ai pu constaté sur des sites internet l’admiration exagérée selon moi, réservée à cette trilogie, le Parrain 1 arrivant en premier généralement. Cette admiration est la plupart du temps le fait de jeunes « cinéphiles » qui apprécient tout autant Sergio Leone et le cinéma de genre. Cette trilogie n’est guère plus pour moi qu’un « soap opera » sanglant, très bien réalisé à tous les égards, mais sans plus car je ne peux m’attacher aux personnages et n’éprouve rien pour eux. Et puis, cette glorification du meurtre et du héros, cette complaisance suspecte, tout comme dans le Scarface de De Palma, avec un Al Pacino transformé en icône de la « racaille », m’ont toujours gêné. Mon reproche s’adresse principalement aux films américains qui ont « mythifié » la Mafia et leurs héros, car quand ce sont des italiens, notamment Francesco Rosi qui s’attaquent au sujet, c’est évidemment autre chose. Nous ne sommes plus dans le spectacle et le divertissement mais dans la réflexion historique et politique, la distance critique le plus souvent, et cinématographiquement ce n’est pas mal fait non plus. Ce n’est qu’un avis et ne veux froisser personne avec ces quelques lignes. Je comprends qu’on puisse aimer cet opéra ténébreux, mais ce n’est plus pour moi.
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Ma foi, j’ai justement tenté d’exprimer certaines réserves dans mon texte, en particulier en ce qui concerne l’attrait ambivalent pour la violence dont pourrait témoigner le culte du film, et ce n’est donc pas moi qui serai froissé par vos propos.
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Si je puis me permettre une hypothèse sur la représentation de la mafia par les cinéastes italiens ou italo américains, c’est tout simplement parce que l’emprise n’est pas la même dans chacun des deux pays.
C’est bien montré et chez les américains (Coppola, Scorsese) et chez des italiens (Rosi, Sciascia en littérature, Marco Tullio Giordana dans le très beau mais méconnu I cento passi) : aux Etats-unis, la mafia ne touche jamais qu’un cercle restreint à l’échelle de l’ensemble de la population, les italo-américains de Little Italy. Il s’agit encore d’un système qui touche d’abord et avant tout ceux qui en fin partie et, dans un deuxième temps, ceux qui acquièrent du pouvoir (entrepreneurs, politiciens locaux) mais pas le citoyen moyen.
En Italie dans les années 60 (Sciascia), 70 (Rosi) ou 80/90 (Giordana), c’est une autre chose: la société entière est gangrenée est imprègne chaque moment de la vie, impossible d’en échapper. Elle a un caractère plus global donc forcément, en y réfléchissant, on a aussi des réflexions plus globales, plus sociétales comme le dit cabot, tandis qu’aux Etats-Unis, on nous raconte une histoire, une tranche de vie d’un certain milieu.
Tout ça pour dire que le post de Strum est captivant et très convaincant – comme à chaque fois – mais que moi, j’adore Le parrain et que je préfère même le 2 au 1. Mais … je dois admettre que je n’ai vu le film qu’une fois, et que si comme Strum le dit La première fois que l’on voit le film, affleure l’idée que le destin de Michael lui a été imposé (ce qui était mon cas), il faudrait peut-être que j’aille y voir, une deuxième fois, d’un peu plus près 🙂
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Oui, ce que tu dénotes a sûrement un impact aussi sur cette différence de traitement. Comme toujours, il faut combiner les explications pour s’approcher de la vérité. Ravi que l’article te plaise en tout cas. Je n’aurai pas le courage de revoir le 2 je crois et puis je m’en souviens plutôt bien.
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