Brève note sur Everybody wants some!! (2016) de Richard Linklater, un film vif et joyeux, continuant le sillon tracé par un réalisateur attaché à observer ce moment de la vie qui précède le passage à l’âge adulte. Alors qu’il le faisait en insistant sur les interrogations mélancoliques de ses personnages dans Before Sunrise, il filme ici cet instant sous la forme d’une parenthèse enchantée (et idéalisée, notamment au début du film quand les personnages ressemblent à des héros de sitcom aux emplois bien définis et à qui tout réussit) : le week-end de rentrée d’étudiants membres de l’équipe de baseball d’une université américaine en 1980. C’est une manière de suite à Boyhood (2014), qui se finissait juste avant l’entrée à l’université du personnage principal (et aussi sans doute à Dazed and Confused (1993), qui se passait au lycée).
Peuplé de personnages de fous furieux que Linklater parvient à caractériser individuellement sur la durée, porté par une bande-son éclectique (rock, punk, country) qui dynamise constamment le film, Everybody wants some!! dégage beaucoup d’énergie (l’interprétation et le découpage y concourent). Le film commence sans prologue (et finit tout aussi abruptement, comme si sa narration était découpée verticalement dans le déroulement même des jours) et est propulsé par une suite ininterrompue de dialogues où les sujets de conversations tournent autour du baseball, des filles et de la prochaine fête. Le récit condense une suite d’évènements heureux et festifs dans un lieu clos, le campus de l’université. Les difficultés du quotidien et les inhibitions sont laissées hors champ (même si on les devine) ou en sont vite exclues, et même les personnages qui semblent avoir des problèmes psychologiques (le lanceur agressif) prêtent à rire car leur absence de limites ne porte pas à conséquence dans le film. Enfin, chaque nouvelle fête repousse par sa démesure les limites de la précédente. On se laisse prendre par la main et ce n’est qu’assez tard dans le film, sans que cela en entame la légèreté, que l’on finit par voir apparaitre le thème clé de Linklater, le refus de grandir et la difficulté de quitter l’adolescence. D’ailleurs, plusieurs acteurs semblent trop âgés pour leur rôle, comme des adultes s’attardant dans le monde de l’adolescence.
Ce refus de grandir se retrouve dans le personnage de l’éternel étudiant qui falsifie son âge mais aussi à la fin du film, qui ferme soudain la parenthèse enchantée : Jack, le personnage principal (mais aussi le plus raisonnable et méthodique) s’endort sur son pupitre dès le premier cours de l’année, comme si les cours et l’arrivée de la vie d’adulte étaient une retombée dans le sommeil. Jack refuse de regarder la leçon de vie que son professeur vient d’écrire au tableau (« les frontières sont là où vous les trouvez« ) mais nous, spectateurs, la regardons : elle fait figure de morale d’un film où les personnages semblent n’avoir aucune limite et où Linklater arrête sa narration peu avant la frontière intangible qui sépare l’adolescence de l’âge adulte. Il montre ici le passage à l’âge adulte comme un immense et joyeux enterrement de vies de garçons.
Everybody wants some!! est donc une nouvelle réussite à mettre à l’actif de Richard Linklater. Sur un mode mineur, c’est une ode confiante à la vie et à ses futurs possibles, ceux des années 1980 (pour les nostalgiques) mais aussi ceux d’aujourd’hui. « The sky is the limit » pourrait être l’autre devise, typiquement américaine, de ce film optimiste qui met de bonne humeur.
Strum
Ca semble très séduisant. Nous l’aurons début juin et j’ai tellement aimé Boyhood. J’ai vu deux Before… aussi, très sympa.
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Bonsoir eeguab, Boyhood, où le personnage est spectateur de sa propre vie, est plus mélancolique. Ici, les personnages sont acteurs de leurs propres fêtes. On sort du film avec le sourire jusqu’aux oreilles.
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Ici je ne te lis pas complètement car je veux voir le film et tout y découvrir ! En revanche, je place une balise et dès que cela me sera possible (avec le dvd seulement ? mais c’est incontournable tant Linklater me plaît), je reviendrai prêter attention à la page que tu consacres au film.
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Oui, parfois, il vaut mieux en savoir le moins possible pour profiter pleinement d’un film. J’espère que tu auras la chance de le voir en salle (hélas, le film est très mal distribué).
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