Una Questione Privata de Paolo et Vittorio Taviani : parcellaire

Una-Questione-Privata-di-Paolo-e-Vittorio-Taviani

Una Questione Privata (2017) des frères Taviani entremêle, à travers une narration éclatée, une affaire privée et la grande affaire de la guerre dans l’Italie de 1944, quand s’affrontaient Partisans et fascistes. Milton (Lucas Marinelli) recherche son ami et rival Giorgio (Lorenzo Richelmy), qui a été enlevé par les fascistes ; non pas pour le sauver d’une mort certaine, mais d’abord pour lui demander s’il a couché avec Fulvia (Valentina Bellè), une jeune fille mystérieuse ou insaisissable qu’ils fréquentaient tous deux avant-guerre. Les rapports de Milton avec Fulvia, que nous révèlent progressivement une série de brefs flashbacks, ne sont pas sans rappeler ceux de Giorgio et de la fascinante Micol dans Le Jardin des Finzi-Contini (grand livre de Giorgio Bassini, très beau film de De Sica) : Milton est un intellectuel un peu velléitaire, un étudiant trop timide pour avouer ses sentiments à Fulvia, que lasse peut-être ces scrupules de jeune homme.

Mais au lieu de creuser davantage les rapports entre ces trois personnages comme on aurait pu l’espérer, le film s’attarde sur les péripéties de la guerre, sur les tentatives de Milton de trouver un prisonnier fasciste qui pourrait servir de monnaie d’échange à Giorgio. C’est comme si le caractère hésitant de Milton se communiquait au récit, qui hésite à son tour entre l’intrigue sentimentale et la description des exactions de la guerre. Il en résulte un film au caractère épisodique et parcellaire, à la narration discontinue se perdant régulièrement dans le brouillard épais qui dissimule les reliefs du Piemont. On voit bien que Milton, dont les idées sont embrumées elles aussi, s’égare à vouloir comprendre un passé insaisissable et révolu, à vouloir rattraper un train déjà parti, celui qu’a pris Fulvia. Ses tentatives pour retrouver Giorgio font plus de mal que de bien. Mais puisque ce n’est pas la guerre qui occupe en premier lieu ses pensées, la dénonciation de cette dernière n’a pas l’impact escompté, elle apparait comme un à-côté disproportionné du récit (un comble), et lorsqu’un jeune partisan est fusillé en représailles, ce mécanisme des représailles dont Rossellini avait si bien montré l’inhumanité à la fin du Général Della Rovere, on n’est pas ému autant qu’on devrait l’être. Les actions de guerre mêlent souvent affaires privées et affaires officielles mais il manque ici un axe ou un choix de récit suffisamment affirmé pour unifier ces deux pôles. Restent l’interprétation de Lucas Marinelli et ce début intrigant où une grande maison surgit du brouillard comme un navire voguant sur les brumes du passé.

Strum

PS : Una Questione Privata (2017) sera le dernier film des frères Taviani. Vittorio, déjà malade au moment du tournage, ce qui explique peut-être en partie le caractère incertain du récit, est décédé en avril 2018. On retiendra de leur filmographie Padre, Padrone et Kaos plutôt que ce dernier film.

Cet article, publié dans cinéma, cinéma européen, cinéma italien, critique de film, Taviani (Paolo et Vittorio), est tagué , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

10 commentaires pour Una Questione Privata de Paolo et Vittorio Taviani : parcellaire

  1. lorenztradfin dit :

    J’ai – pour être honnête – plus aimé un seul de leurs films depuis « Kaos » !

    J’aime

  2. Pascale dit :

    Tu l’as trouvé mystérieuse la fille ? Ca m’échappe 🙂 Mais Milton doit penser comme toi.
    Casse-couilles et superficielle oui. Tellement inculte face à Milton quelle lui préfère Giorgio qui danse bien…
    J’ai aimé les hésitations de Milton et son obsession malvenue. Et ce brouillard fantastique qui se déplace.

    Je suis déçue que tu n’aies pas aimé plus que ça. Pas un grand film inoubliable je suis d’accord mais hors du commun quand même.

    J’aime

  3. Carole Darchy dit :

    Oui, le film est décevant et j’ai ressenti de l’éparpillement.
    Je me suis égarée dans le joli brouillard…et suis restée dans cette grande maison du début du film…. C’est dommage car il y avait matière à faire un joli film, qui n’aurait pas été du niveau certainement de Padre padrone, le plus beau des films des frères Taviani sans conteste.

    J’aime

  4. kawaikenji dit :

    On retiendra surtout La Nuit de San Lorenzo !

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s