Cyclone à la Jamaïque d’Alexander Mackendrick : des sortilèges de l’enfance

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La cinémathèque consacre depuis le début de la semaine une rétrospective au cinéaste britannique Alexander Mackendrick, qui est aussi l’auteur d’un livre de cinéma (La Fabrique du cinéma) très célèbre aux Etats-Unis où il enseigna.

De Mackendrick, qui a réalisé peu de films, on peut voir notamment ses délicieuses comédies anglaises (L’Homme au complet blanc, Whisky à gogo, Tueurs de Dames), qui sont celles d’un moraliste ou Le Grand chantage, satire pessimiste sur le monde de la presse, avec Burt Lancaster et Tony Curtis.

Mais Mackendrick est surtout l’auteur d’un film extraordinaire, un chef-d’oeuvre qui éclipse tous ses autres films, si différent du reste qu’il surprend dans sa filmographie : Cyclone à la Jamaïque (1965), qui raconte l’odyssée d’enfants de riches colons anglais enlevés par des pirates au XIXe siècle. A la fois fable morale sur le caractère profondément amoral de certains enfants (ou de leur état d’innocence jusqu’à l’inconscience) et portrait d’un capitaine pirate dont le monde s’écroule, et qui est partagé entre regret du monde de l’enfance (d’où il n’est peut-être jamais sorti) et attirance sexuelle trouble pour ce même monde, Cyclone à la Jamaïque est un film à mi-chemin de Sa Majesté des Mouches de Golding et de Moonfleet de Lang par l’importance qu’il accorde au pouvoir de l’enfant. Car bientôt, ce sont les pirates qui deviennent les esclaves d’enfants habitués à commander selon l’ordre social anglais en vigueur à l’époque. Ce renversement de perspective par rapport au genre du film de pirates emmène le film ailleurs, vers une dernière scène terrible. D’une grande finesse psychologique, fabuleusement joué par le duo de pirates Anthony Quinn/James Coburn et par la petite Deborah Baxter, porté par des couleurs flamboyantes et un cinemascope aux plans superbement composés par le grand chef opérateur des films Ealing, Douglas Slocombe (il donna sa pleine mesure dans les films d’aventures et fut plus tard le directeur de la photographie des trois premiers Indiana Jones pour Spielberg), Cyclone à la Jamaïque est le plus libre, le plus imprévisible et le plus beau film de Mackendrick. Un motif musical mélancolique parcourt le film : lontemps après la fin, il résonne encore à nos oreilles.

Cyclone à la Jamaïque est tiré d’un roman de Richard Hughes que James Mason essaya d’abord d’adapter sans succès. A sa sortie, le film fut remonté et mal distribué par la 20th Century Fox. Le studio croyait avoir produit un film d’aventures familial et ne sut que faire de cette fable sur les noirs sortilèges que l’enfance exerce sur certains hommes. Voici un lien vers le programme du cycle Mackendrick à la cinémathèque. Cyclone à la Jamaïque, qui ouvrait le cycle, repasse le 27 février à 21h15. A ne pas rater pour ceux qui en ont l’occasion et voudraient voir ou revoir le film sur grand écran.

Strum

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7 commentaires pour Cyclone à la Jamaïque d’Alexander Mackendrick : des sortilèges de l’enfance

  1. modrone dit :

    Tout à fait d’accord. J’avais lu le roman de Richard Hughes puis j’ai vu le film longtemps après. Sa Majesté des mouches et Moonfleet encadrent fort bien ce Cyclone méconnu. La Cinémathèque a la bonne idée de programmer le peu de films de MacKendrick, tous sont un bonheur de L’homme au… et Tueur de dames au Grand chantage dans un registre différent. Par contre jamais eu l’occasion de voir Whisky…

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  2. Strum dit :

    J’avais été un peu déçu par Le Grand chantage, qui a très bonne réputation. Mais ce Cyclone à la Jamaïque, c’est quelque chose.

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  3. Cédric dit :

    Merci pour cette critique. Je n’ai pas lu ni vu la chose mais tu as l’art de nous inciter à la découverte, merci pour ça 😉

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