A l’approche de l’épisode 7 de Star Wars, on observe un emballement médiatique, initié par la force de frappe commerciale de Disney et LucasFilms et relayé par les nombreux adeptes de la saga de space opera. Rien que de très normal tant les films de Star Wars ont imprégné l’imaginaire de millions de spectateurs. Pourtant, autour des films eux-mêmes, fleurissent aussi des publications ou des articles en tous genres, nous parlant de la philosophie de Star Wars, de sa dimension spirituelle, psychanalytique, politique, historique, etc., dont on pourrait résumer le présupposé ainsi : Star Wars serait « bien plus qu’un space opera » ou « bien plus qu’un film d’aventure ».
Cela appelle deux commentaires :
D’abord, cette approche semble se fonder sur le postulat qu’un grand film d’aventure ou un grand space opera ne vaudrait pas tripette, serait un sous-genre incomplet, destiné aux enfants, qui ne pourrait être considéré comme un film acceptable ou digne d’être commenté que si on lui trouve d’autres dimensions. En voulant à tout prix décerner un brevet de sciences humaines à Star Wars, on en vient à diminuer la valeur du cinéma d’évasion, ce qui est un comble. Il ne faudrait pas tenir pour peu de choses l’accomplissement artistique dont témoignent les grands récits d’aventures qui évadent le spectateur ou le lecteur en leur procurant la plus grande excitation. Un grand film d’aventure ou un grand space opera se suffit à lui-même et n’a pas besoin qu’on lui adjoigne je ne sais quelle justification externe et théorique pour qu’il soit considéré comme une oeuvre d’art à part entière.
Ensuite, bien que Star Wars soit à sa façon un « mythe cinématographique » et ait créé des personnages « immortels » de la culture populaire, il est permis de ne pas percevoir dans ces films la dimension spirituelle et la profondeur que certains y voient. Soumis au principe du film d’aventure et de sa dimension épisodique, qui veut qu’un rythme effréné dicte sa loi au récit, rythme résultant lui-même de la nécessité de raconter plusieurs péripéties en un minimum de temps, il leur manque cette dimension esthétique (visuellement, ce ne sont pas des films particulièrement beaux) et contemplative, qui sublime un moment, arrête le temps, et plonge le spectateur dans la réflexion, et que l’on trouve dans les grands films et les grands livres, ceux qui s’affranchissent des genres. Certes, il y a bien la prodigieuse musique néo-romantique de John Williams qui transcende l’ensemble, tellement importante dans l’impact de ces films que Williams en est presqu’un co-auteur. Mais en fait de sublimation, c’est insuffisant. Ce qui fait d’une oeuvre d’art narrative une mythologie ou un récit ayant valeur métaphorique et traversant les époques, c’est moins ce qu’elle raconte, que la manière dont cela est raconté d’un point de vue formel (la perfection artistique est à ce prix), et l’art et l’invention que son auteur (peuple ou homme) y met.
Star Wars, superbes films d’aventure au formidable pouvoir d’évasion, oui (du moins La Guerre des Etoiles de 1977 et L’Empire Contre-attaque de 1981, car pour le reste…), et c’est déjà beaucoup. Films profonds sur l’humain conduisant à nous interroger sur notre place dans l’univers, non, et ce n’est pas dans mon esprit une critique. D’ailleurs, si les prequels réalisés par Lucas (La Menace Fantôme, La Guerre des clones, et La revanche des siths) étaient si mauvais (au point que l’emballement médiatique évoqué plus haut les recouvre d’un voile pudique), ce n’est pas parce que ce qu’ils racontaient était inintéressant, mais parce que c’étaient des films sans vie et mal joués, se prenant très au sérieux sans avoir les moyens esthétiques de leurs ambitions, et qui avaient oublié la vivacité, l’humour et l’esprit d’aventure des premiers Star Wars.
A suivre
Strum