Résumons : 4313 votants, répartis dans neuf collèges de métier de l’industrie cinématographique française (dont 30% de techniciennes et techniciens, 16% de réalisatrices et réalisateurs, 16% de productrices et producteurs, 14% d’actrice et acteurs, etc.) ont accordé à Roman Polanski le César du meilleur réalisateur pour son excellent film J’Accuse. Le réglement de l’Académie des Césars prévoyant qu’on ne peut à la fois accorder le César du meilleur film et le César du meilleur réalisateur à la même production, Polanski en aura profité pour ravir à Ladj Ly le César du meilleur réalisateur puisque Les Misérables ont reçu dans le même temps le César du meilleur film.
Depuis l’annonce de ce résultat, se multiplient les tribunes dénonçant au mieux une occasion manquée, au pire une soi-disant main-mise des « dominants » (entendre des « mâles blancs ») sur la société, dont l’attribution du César à Polanski serait un énième avatar, un signe de ralliement d’un ancien monde assiégé, la preuve de sa complicité au nom d’une solidarité de caste méprisant la douleur des femmes victimes d’abus. Voici quelques observations, que l’on espère raisonnables, sur ce cri de révolte empruntant parfois des raccourcis (voir la tribune à l’emporte-pièce, mélangeant tous les sujets, de Virginie Despentes dans Libération) :
Nul n’est en mesure de connaître les motivations des votants, pour la bonne et simple raison que le vote est confidentiel, et que chacun choisit en son for intérieur pour diverses raisons. L’hypothèse la plus probable néanmoins, et de très loin, est que les votants n’entendaient nullement défendre un violeur, ni clamer l’innocence de Polanski (que ne clame pas non plus J’Accuse qui porte exclusivement sur l’affaire Dreyfus), ni défendre la place-forte des « dominants », mais récompenser un talent artistique et les mérites d’un film, le premier de cet envergure sur une affaire fondatrice de notre République. A ce titre, c’est mal connaître la place des votants dans la société, pour la plupart intermittents du spectacle aux métiers précaires, ou feindre de l’ignorer, que de prétendre qu’il s’agit d’un vote de « dominants » crachant volontairement au visage de « dominées ». L’équivalence entre intermittents du spectacle et « puissants » (au sens de décideurs économiques) fait fi de la réalité sociologique.
Sans doute, le collège électoral des Césars souffre-t-il d’un manque de représentativité par rapport à la réalité. La récente démission collective de la direction de l’Académie des Césars sera l’occasion d’y remédier. Mais il y a néanmoins dans la polémique actuelle quelque chose qui remet en cause les raisons mêmes pour lesquelles le cinéma existe. Le cinéma permet de comprendre « l’autre », celui qui n’est pas soi, à travers des films divers. Il est facteur de compassion. Assurer que le César remis à Polanski ne peut qu’être exclusivement motivé par l’appartenance sociologique et biologique des votants nie la raison même pour laquelle le cinéma existe, comme si un homme ne pouvait être touché par la souffrance de femmes victimes, comme si attribuer une récompense artistique pour d’autres motifs était nécessairement le rejet d’une douleur. Etre un homme ou une femme, ce n’est certes pas la même chose, mais au sein de chaque catégorie, les différences sont immenses. Essentialiser les personnes pour en faire des adversaires n’est qu’une manière détournée de nier une fois de plus les différences. Le cinéma, par le processus d’identification qu’il autorise, nous permet justement d’être autre, nous fait naître à autre chose.
Surtout, faire des votants des boucs émissaires est aussi injuste que dangereux.
Dangereux potentiellement pour les individus : dans un Etat de droit, ce ne sont pas aux personnes de dire la justice mais à cette dernière de trancher. Le plateau des Césars ne peut s’ériger en tribunal et il serait problématique de vouloir, par un effet d’entrainement médiatique inarrêtable une fois lancé, se substituer à la justice en condamnant Polanski par la vox populi, puisque ce qui commence par Polanski finirait par toucher des innocents. Le droit de rendre justice a été délégué par nous au pouvoir judiciaire, avec ses imperfections, sa lenteur, ses droits de la défense. Dangereux pour l’art : il sert à exprimer et recueillir des émotions complexes, des sentiments ambigus, non à transmettre des « messages ». Il est l’expression d’une part de liberté créatrice p(chez l’auteur) et d’une part de liberté interprétative (chez le spectateur ou lecteur). Faut-il vraiment que l’institution des Césars qui est de l’ordre du cérémonial, du vernis de surface, joue ce rôle de messager ? Il me semble qu’il ne faut pas leur donner plus d’importance qu’ils n’en méritent. Ce qui compte, ce sont les films, c’est par eux que se fait l’ouverture au monde non à travers les Césars.
Injuste : les artistes ne sont pas des justiciers, ne peuvent réparer tous les torts du monde. L’art et la morale n’ont jamais fait bon ménage, dans un sens ou dans l’autre, et c’est même la raison pour laquelle l’art existe. L’art est l’expression d’une angoisse, d’une inquiétude, d’une ambiguité. Si la morale devait devenir le critère d’attribution des récompenses (que l’on nous en préserve), alors Les Misérables, dont le réalisateur fut condamné à trois ans de prison avec sursis pour enlèvement et séquestration, action moralement et pénalement répréhensible, n’aurait pas dû recevoir de prix. Si l’on appliquait la morale comme critère, il faudrait l’appliquer équitablement, à tous. Comment justifierait-on alors que l’on continue à célébrer Céline et d’autres écrivains collaborationnistes, que l’on ait si longtemps écouté du Michael Jackson malgré ce que l’on savait ou devinait de sa prédilection sexuelle pour les enfants ? De quelqu’un qui déclare : « Céline est un grand écrivain », dit-on qu’il est un collaborationniste antisémite ? De quelqu’un qui danse sur du Michael Jackson, dit-on qu’il est le complice d’un pédophile ? Peut-on encore voir les toiles de Gauguin ou Picasso ? La liste serait longue et la boite de Pandore ouverte. Pourquoi faudrait-il agir autrement avec Polanski quand on aime les films de ce cinéaste, qui a fait un excellent travail de réalisation pour J’Accuse, et prétendre que l’attribution du César validerait son inexcusable conduite passée ? Le talent n’étant pas corrélé à la morale, et on peut hélas avoir été prédateur sexuel et grand artiste. Tant que le contenu d’une oeuvre ne contient pas la propagande de ce dont est accusé son auteur dans sa vie privée, l’acte de création devrait être préservé. Le vrai scandale de ces derniers années, c’est le prix décerné à Matzneff pour un livre où il parle de son vice. Mais rien dans les films de Polanski ne contient de près ou de loin ce qui ressemble à une incitation au viol.
La morale étant une affaire privée, chacun est libre de réagir comme il l’entend à cette récompense qui résulte du jeu de la démocratie par le vote, même quand le résultat ne plait pas. C’est la photographie d’un présent qui change, mais aussi le respect de la liberté et de la conscience des individus votants. A titre personnel, j’aurais préféré voir Sciamma ou Ozon récompensé, mais pour des raisons qui me regardent. Si l’on peut identifier des responsabilités collectives, on ne peut transiger avec les libertés individuelles. Chacun a le droit de penser ce qu’il veut de Polanski, de ne pas appartenir à des « clans » se faisant face où l’écoeurement et le ressentiment seraient les seules émotions autorisées. Les moqueries, les insultes, ne servent à rien, ne font qu’augmenter le niveau de ressentiment et brouillent les termes du débat. Pour ce qui me concerne, il m’est impossible d’être dans un clan ou dans un autre, car il m’est impossible de trancher sans hésitation tant l’affaire est difficile. En revanche, celles qui ont tous les droits dans la manière dont elles ont choisi d’exprimer leurs douleurs, ce sont évidemment les victimes et l’on ne peut qu’espérer qu’elles parlent et qu’on les entende.
Si Polanski, dont on connait déjà la culpabilité dans l’affaire Samantha Geimer, est vraiment coupable de ce dont d’autres victimes l’accusent, alors il y a certes eu un dysfonctionnement passé de la société et de la justice. Mais la faute n’a pas été, n’est pas, de donner des récompenses artistiques au réalisateur. Elle a résidé d’une part dans des comportements parfois abusifs, d’autre part dans une trop grande propension de la profession à accepter ces comportements. Si une chose doit changer, ce sont ces comportements abusifs, non le fait de récompenser un artiste pour son oeuvre aux Césars. Imaginons que Polanski n’ait pas obtenu le César du meilleur réalisateur. Est-ce que cela aurait changé quelque chose dans le fond ? Est-ce que cela aurait apporté la preuve d’une amélioration des comportements de ceux qui harcèlent les femmes ? Nullement : tout serait resté de l’ordre du cérémonial, du vernis des Césars. Cela aurait donné meilleure conscience alors que la récompense donne mauvaise conscience. Mais les faits et la conscience, ce n’est pas la même chose. Ceux qui sont accusés doivent être jugés devant les tribunaux avec les règles de procédure habituelles. Il est regrettable que plusieurs accusations nouvelles lancées à l’encontre de Polanski soient prescrites mais c’est la loi. Les médias, dont le comportement de tartuffe est toujours guidé par leurs intérêts économiques, n’ont pas assez écouté certaines femmes l’accusant au moment où certains procès auraient pu avoir lieu. Les fautes ont été commises à ce moment là.
Ce n’est pas la première fois que Polanski reçoit le César du meilleur réalisateur. C’est même la quatrième fois. Pourquoi serait-ce plus scandaleux cette fois-ci qu’auparavant ? La vraie nouveauté de cette soirée, c’est Adèle Haenel sortant de la salle à l’annonce de la récompense. Là est le symbole qui restera, l’image quasiment cinématographique d’une femme se levant, se tenant droite et sortant. Pas la récompense du cinéaste, redite du passé, qui ne valide nullement sa conduite. Sans cette récompense, rien de tout cela n’aurait eu lieu. Adèle Haenel n’aurait pas quitté la salle, cette image-symbole ne serait pas advenue. Elle se suffit à elle-même, elle n’a pas besoin de tribunes outragées pour dire son sens. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette récompense sert donc peut-être les objectifs du mouvement #Metoo. A condition de bien savoir qui l’on veut voir condamner devant les tribunaux, par quels moyens, avec quels garde-fous. Dans une toute autre affaire, incomparable avec les affaires Polanski, on vient d’apprendre qu’Hachette renonçait à publier les mémoires de Woody Allen sous la pression du mouvement #Metoo. Une décision aussi inquiétante que contestable (pourquoi n’aurait-il pas le droit de donner sa version de l’histoire ?), évidemment guidée par des intérêts économiques (des perspectives de pertes plus importantes que le gain escompté), qui montre les effets néfastes du rouleau compresseur médiatique quand il a décidé de s’ériger en tribunal. Un relent de censure qui fait écho à un évènement de la soirée des Césars dont on a moins parlé mais qui est de mauvais augure : l’absence du cinéaste Jean-Claude Brisseau de la séquence d’hommage aux disparus pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’art.
Strum
Très juste retour sur cette marmite bouillonnante qui nous éclabousse tous ! Bravo
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Merci beaucoup !
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Les votants ont également été assez éclairés pour renvoyer bredouille l’horrible tandem Haenel-Sciamma ! Bravo à eux !
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En quoi « horrible », Kawaikenji ? Votre réaction confirme donc qu’il est encore long le chemin de la raison. Tous les efforts de Strum dans ce texte sont justement de dire (entre autres) qu’un vote n’a pas pour conséquence de désigner des adversaires dans les non-récompensés. Je trouve ça un peu désolant que vous fassiez ce commentaire à la suite de cette chronique.
E.
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Ah juste un film de merde ! Rien de personnel ! 😄
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J’ai lu beaucoup de textes et d’avis sur ce qui s’est passé dernièrement mais ce que toi tu dis est rempli de bienveillance, sans jugement et juste à partager ton avis. C’est ce genre d’articles que l’on devrait pouvoir lire dans la presse, alors bravo à toi d’avoir écrit tout cela 🙂
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Merci car j’ai hésité à poster ce texte sur ce sujet sensible de peur de mal me faire comprendre.
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En principe, les César sont censés distinguer le talent, pas imposer un quelconque ordre moral. 😉
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C’est du moins ce pour quoi ils ont été créés. 🙂
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Deux poids, deux mesures, tu as tout dit. On conspue Polanski avant de célébrer Ladj Ly. Les deux films sont superbes, leurs auteurs traînent pourtant chacun un passif sulfureux. Mais visiblement, il y a des crimes qui comptent davantage aux yeux des censeurs moraux actuels. A ce pathétique spectacle de la soirée des César on pourrait ajouter l’absence de Jean-Claude Brisseau dans la liste des disparus. Visiblement, son cas et son œuvre sont déjà mis aux enfers de la cinéphile. Triste epoque.
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Je te remercie de mentionner l’absence de Brisseau de l’hommage aux disparus car je voulais justement en parler et j’ai oublié. C’est de mauvais augure pour la suite, et cela fait écho au relent de censure de la décision d’Hachette de ne pas publier les mémoires de Woody Allen. Je le rajoute car c’est un évènement significatif.
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L’atmosphère est de plus en plus pesante.
En repensant à Brisseau, je me dis qu’un film tel que « Noce Blanche », salué à l’époque, ne pourrait sans doute même pas trouerv de financement aujourd’hui.
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C’est ce que je pense également.
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Et Kirk Douglas absent aussi. Une explication peut-être :
https://www.gentside.com/cinema/mort-de-kirk-douglas-l-acteur-accuse-d-avoir-viole-l-actrice-natalie-wood-quand-elle-avait-16-ans_art94207.html
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Les Césars couvrent l’année précédente. Je connais cette rumeur mais l’absence de Douglas s’explique par le fait qu’il est mort en 2020.
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Magnifique post Strum. J’aurais aimé l’écrire. Merci en tout cas d’exprimer par ds mots ce que je pense.
Pas un mot à rajouter ni à retirer je ne peux qu’approuver et admirer ton humanisme de ne pas te laisser emporter par cette affaire pathétique (en fait, si j’avais du réagir à la saga des Césars, je me serais probablement laisser emporter).
Le cinéma permet de comprendre « l’autre » c’est tellement vrai. Et pourvu que cela dure …
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Merci, ta réaction me fait plaisir, car j’ai été à deux doigts de ne pas publier ce texte en me demandant s’il en valait la peine et si je me faisais bien comprendre.
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<icar j’ai été à deux doigts de ne pas publier ce texte en me demandant s’il en valait la peine et si je me faisais bien comprendre. mon dieu, ne pas se faire comprendre avec un texte aussi pondéré! C’est à désespérer du débat public!
N’hésite surtout pas à l’avenir 😉 , si on ne peut pas discuter de sujets (un peu) clivants, c’est donner libre cours à tous les anathèmes. Ce serait triste.
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Oui, très pondéré même mais bon aujourd’hui en plein terrorisme communautariste c’est sûrement le mieux que l’on puisse faire
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New Strum > « l’art : il sert à exprimer et recueillir des émotions complexes, des sentiments ambigus, non à transmettre des « messages ». »
J’ai vu (assez tardivement) le film de Polanski, mais pas celui de Sciamma (malgré mon goût pour la peinture ancienne), pour diverses raisons (d’emploi du temps notamment), mais sachant qu’a priori il n’est là censé être question « que » de cinéma.
Or, compte tenu de la polémique médiatique, finalement pathétique dans son énormité, je me demande si nous n’en venons pas à être tous absolument tenus de voir précisément des « messages » (?) derrière ces films : ici celui censé transparaître d’un propos équivoque au milieu d’un dossier de presse dans le cas de Polanski, là celui d’une sortie de salle indignée de Sciamma dans le sillage de son actrice Adèle Haenel lors de cette dernière cérémonie des Césars (enfin, si j’ai bien suivi, à distance, dans les deux cas, car je n’ai pas lu ce fameux dossier de presse de « J’accuse » monté en épingle, et je n’ai pas regardé la cérémonie dont le « buzz » a dû ravir les rentiers du business ciné de Canal+).
Bien entendu, on peut toujours considérer que tout est politique, mais… où est passé la créativité artistique dans tout cela ? Au final, elle me parait écrasée, servant de prétexte à l’affichage de pauvres visions du monde en noir et blanc (dans le mauvais sens du terme : en noir et blanc, le cinéma raconte souvent tout autre chose, heureusement)…
Dans ces conditions, on pourrait finir par se demander : à quoi bon proposer des créations artistiques au public, si la liberté de création (qui plus est collective, dans le cas du cinéma) et la liberté d’appréhension de cette création deviennent systématiquement soumises à tel ou tel groupe de pression croyant incarner un quelconque « Bien » ?
L’art peut être politique, et être appréhendé comme politique, mais il ne saurait être réduit à cela (comme d’ailleurs la spiritualité ou la science), sans quoi, personnellement, vu les conséquences (connues), je ne verrai plus guère de possibilité (voire de raison) d’essayer ne serait-ce que de simplement RESPIRER dans ce monde absurde.
New Strum > « … celles qui ont tous les droits dans la manière dont elles ont choisi d’exprimer leurs douleurs, ce sont évidemment les victimes. »
Voila pourquoi le témoignage de Samantha Geimer (réitéré encore tout récemment via le site State.fr : http://www.slate.fr/story/187944/interview-samantha-geimer-affaire-roman-polanski-victime-viol-violences-sexuelles ) me parait si important, en prenant précisément le contre-pied d’un certain militantisme bardé de certitudes. Le refus de l’essentialisation (sexiste), c’est aussi avoir une position courageuse comme la sienne, sachant précisément ce qu’elle a vécu un jour, il y a plus de quarante ans, dans la maison de Jack Nicholson… et aussi, voire surtout, sachant ce qu’elle a vécu après, jusqu’à aujourd’hui.
La société doit répondre aux injustices. Les femmes doivent être écoutées, entendues. Les abus de pouvoir doivent être combattus et punis. Mais la dignité des femmes ne passe pas forcément par la case « victime », ni le destin des hommes non plus forcément par la case « dominant », « criminel » ou que sais-je encore. Le réel est bien plus compliqué que cela… et l’art n’est d’ailleurs jamais que le miroir (ressenti) de cette complexité.
Bref, merci pour ton texte, Strum : il est effectivement raisonnable, mais je comprends tes hésitations en amont de sa publication, compte tenu du climat actuel…
Amicalement,
Hyarion.
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Merci Hyaron, tout à fait d’accord avec toi. L’art, c’est d’abord un acte de création et d’expression du monde du créateur, avec la liberté que cela implique côté créateur et côté spectateur. Le témoignage de Samantha Geimer doit en effet être entendu, étant précisé que d’autres adolescentes ont accusé Polanski de viol sans qu’un procès s’ensuive, soit à cause des pressions exercées à l’époque, soit parce que les faits sont prescrits.
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« La morale étant une affaire privée, chacun est libre de réagir comme il l’entend »
Attaquer la morale c’est toujours lui donner raison, un vieux paradoxe… Et là tu tombes un peu dans le paradoxe du relativisme, car en même temps que tu fais de la morale une affaire privée tu énonces un principe moral que tu souhaites universel. De sorte que celui qui comme moi, pense que la morale est tout, sauf privée, recevra l’anathème.
Je ne distingue pas non plus les artistes de leur comportement moral, mais jamais ne tomberai dans l’épuration éthique actuelle, elle fait froid dans le dos. On est sur le fil de l’épée.
Et tout ça c’est à cause de Vincent Cassel, et s’il ne comprend pas pourquoi, eh ben c’est à cause de lui quand même ; )
Moi si devenais despote je prendrais deux décisions arbitraires : J’interdirais les motos, car elles m’oblitèrent les esgourdes, et j’interdirais expressément les remises de récompenses, et les récompenses elles-même.
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Merci de ta réaction. Mon but n’était pas d’attaquer la morale et je ne suis pas un relativiste. Mais je voulais éviter justement de lancer « un anathème » contre ceux qui réagissent à cette affaire, car il me semble que ce débat plein de ressentiment a besoin de mesure et de prudence. J’ai ma morale à moi, mais je me refuse à l’imposer aux autres, que je ne connais pas, comme si c’était un « devoir ». Cela ne veut pas dire que je n’ai pas de « souhait ». Bon, difficile de toute façon d’être parfaitement logique et cohérent sur un sujet aussi difficile, a fortiori sous un format de post de blog, d’où mon hésitation de départ à publier. « Devenir despote »… je suis bien trop paresseux pour en avoir envie ! Quoiqu’interdire les cérémonies de récompenses…. 🙂
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Je remercie Claude Berry et le Crédit Agricole… :-)))
On est pas censé connaitre toute la bio et le casier judiciaire de tous les artistes.
Gary Glitter dont la musique est largement entendue dans la parodie de Joker, était pédo criminel. Et le morceau utilisé dans la séquence d’ouverture de la soirée reste GÉNIAL quand même je trouve.
La sortie d’Adèle Haenel… je l’ai trouvée limite ridicule comme une sale gosse qui tapait du pied. Ça m’a gênée. Comme je n’ai pas aimé que Foresti et Darroussin ne prononcent pas le nom maudit, Roman Polanski.
Je continue d’aimer Haenel, Foresti et Darroussin… quelle grandeur d’âme 🙂
Le film Le portrait de la jeune fille n’a eu SELON MOI que le César qu’il mérite : celui de la très jolie image. Mais quel ennui ! Et je trouve que le rôle ne convient pas à Adèle, trop forte, trop moderne. Et je trouve également (même si j’ai apprécié la solidarité des 3 femmes dans le film) qu’on ne fait pas une oeuvre utile féministe en se débarrassant purement et simplement des hommes (à peine quelques silhouettes dans le film).
Quant aux incohérences, je pense qu’on en a tous. Exemple, je ne supporte pas Stephen Stills à qui il arrivait de poursuivre Véronique Samson avec un couteau (elle a dû fuir pour ne pas mourir). Cela dit me passer de Stephen Stills ne me gêne pas, je n’aime pas particulièrement sa musique 🙂 Et je suis révoltée d’entendre encore parler parfois (sur le plan artistique) de Bertrand Cantat…
mais, je continue à trouver que Roman Polanski est l’un des meilleur et plus grand réalisateur au monde. Je ne me sens pas hypocrite pour autant ni « favorable » ou tolérante envers le viol.
J’ai failli faire un article sur les César et j’ai renoncé… mais quand on regarde le palmarès, quelle diversité !
Émancipation féminine (même si je n’ai pas trop apprécié Papicha qui renvoie les files à la superficialité de l’apparence et… à la couture), banlieue (Roubaix, Les Misérables) pédophilie (Grâce à Dieu), antisémitisme (J’accuse) etc…
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Tu fais bien de citer ces autres exemples. Sinon, en effet, ce fut plutôt une bonne année pour le cinéma français si l’on regarde notamment la diversité des films. Mais cela fait longtemps que les résultats des Césars ne m’intéressent pas beaucoup.
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J’aime bien @Pascale ta façon de voir les choses au cas par cas selon ta sensibilité, on est des être humains, notre cœur n’est pas un palais de justice… mais je suis heureux qu’il en existe, par ailleurs. J’ai appris une chose importante à travers le cinéma de John Ford : Les âmes damnés il en existe parfois, mais que tant que les hommes (dois-je préciser les femmes également) font des allers-retours entre le bien et le mal, on peut toujours espérer une rédemption. C’est notre seul espoir.
Personnellement je n’aime pas le libertinage sexuel et la pornographie, et c’est étrange que ce soit quelqu’un comme moi, qui aujourd’hui ne déteste en rien Woody Allen ou Roman Polanski. De vieux messieurs, qui autrefois avait la faveur de la bien bien-pensance à une époque où elle voyait les travers sexuels avait un œil bienveillant. C’était avant que la lutte sociale ne se convertisse en lutte sociétale.
Et oui, difficile pour chacun d’être toujours cohérent dans des affaires aussi subtiles de moral, de droit, et d’équité.
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Merci. Je me demande parfois si je serais si modérée si je n’aimais autant le travail de Polanski ou de Woody, voire Caubère qui a eu son heure… C’est compliqué.
Si on creusait la bio de chacun peut-être n’irions nous plus jamais au cinéma, aux concerts, aux spectacles…
J’ai été 1er juré en assise (une épreuve). J’ai eu affaire à la justice (pas pour une affaire de moeurs 🙂 ). J’ai « gagné » et n’ai RIEN obtenu. J’ai trouvé la justice injuste.
Alors oui, la justice, la loi, les jugements, c’est compliqué et tout le monde a un envie sur tout, c’est fatigant.
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Je veux dire : a un AVIS
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Diversité certes, mais il manque quand même cruellement un beau César pour « le chant du loup », juste une maigre recompense pour le meilleur son (un peu facile). Pas assez de filles à bord du sous-marin peut-être.
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En effet quelle diversité dans le communautarisme ! Beurk !
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Je me permets de réagir à votre article.
Que l’on ne connaisse pas les motivations précises des votant. es des César on sait au moins comment cette récompense attribuée à Polanski est reçue. Vous faite une comparaison avec Louis Ferdinand Céline, antisémite et collabo. Elle est particulièrement intéressante. La plupart de ses livres sont disponibles. Ce n’est pas pour autant que qui que ce soit propose de donner son nom à une bibliothèque ou une école. Tout simplement parce qu’on ne célèbre pas un antisémite et collabo.
Les féministes ne demandent pas autre chose en réclamant de ne pas célébrer un violeur.
Vous parlez de Ladj Ly ? Quoi qu’on puisse penser de ses actes il a purgé sa peine. Ce n’est pas le cas de Polanski qui a fuit la justice.
Vous ne comprenez pas l’opposition entre dominant et dominée faite par Despentes car il y a parmi les votant. es des intermittents du spectacle, soit des profession précaires. Mais qu’un éclairagiste puisse être socialement moins favorisé que Virginie Despentes ou Adèle Haenel il n’empêche qu’il est beaucoup moins exposé à des agressions sexuelles que ce soit dans sa vie professionnelle ou sa vie privé. Il n’est certes pas responsable de cette domination. Mais elle existe.
Enfin vous écrivez sur le cinema. Vous savez à quel point depuis sa création cet art a été accaparé par les hommes, pour les hommes. Comme le disait avec une misogynie délicate Truffaut le cinéma C’est l’art de faire de jolies choses à de jolies femmes. Ce n’est pas seulement un art détaché de toutes considérations. Les représentations qu’il offre reflète aussi des batailles.
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Merci pour votre réaction. Je comprends très bien votre position et je suis heureux de voir un contre-point. Pour revenir brièvement sur certains points de votre texte : Céline a été célébré je ne sais combien de fois. Encore en 2016, sortait sur lui un film très indulgent, pour ne pas dire plus, avec Denis Lavant. Il a été sans arrêt défendu dans des centaines de livres et reste tenu par beaucoup comme le plus grand écrivain français du 20e siècle avec Proust. On n’est pas antisémite quand on aime Voyage au bout de la nuit de Céline, pas pédophile quand on aime Chinatown de Polanski. Le texte de Virginie Despentes sur les dominants/dominés mélange trop de sujets pour moi (parler de la procédure parlementaire du 49.3 en lien avec Polanski c’est n’importe quoi), dans un style qui ne permet aucun recul. Son angle d’approche politique ne me parait pas être le plus efficace pour régler le problème des femmes harcelées, car c’est d’abord un problème culturel, un sujet de société. C’est une question d’éducation, de respect, de courtoisie, de mesure. Il faut que les femmes victimes parlent, qu’on les entende et si ce César à Polanski (pour lequel je n’ai aucune sympathie) contribue à libérer davantage leur parole ce sera une excellente chose, mais cela doit se faire dans le respect du droit et pas par des tribunaux populaires, sans la censure de Brisseau absent des Césars ou de Woody Allen ne pouvant plus publier ses mémoires.
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moi aussi, j’ai émis des critiques sur l’Académie des Césars. Leur non transparence se retourne contre eux (d’où la démission collective du bureau). Ils ont reconnu avoir une forte présence d’hommes septuagénaires dans les votants. Devant la polémique préalable, il n’est pas exclu que les votes pour Polanski et les non-votes pour Portrait d’une jeune fille s’expliquent par un clivage dans la profession qui ne veut pas accepter la pression extérieure et le débat, plutôt que par les qualités du film.
Et j’ai reparlé du cas Polanski, en parlant des pratiques de la justice américaine : les chefs d’accusation avaient été largement amoindris pour que l’audience ne soit pas publique à la demande de la mère de S. G. (et au profit aussi de Polanski) de sorte qu’il a eu une condamnation de 92 jours ! dont il a presté 48 ! pour des faits graves. Aujourd’hui, S.G. veut depuis longtemps que la page soit tournée car la polémique lui a pourri la vie, mais cela est aussi dû au comportement prolongé de la justice américaine et au « salut par la fuite » de Polanski (Voyez mon blog). Votre article est nuancé et intéressant, mais je pense que les enjeux ne sont pas que culturels.
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Merci de votre message. Cependant, c’est à la justice de faire un sort à Polanski et pas à un tribunal populaire. Quant à Portrait d’une jeune fille…, c’est un film qui a des qualités (beaux plans, belle photo, bonne interprétation de Noémie Merlant), mais aussi des défauts, et l’absence de récompense à son endroit n’est pas non plus un scandale. De toute façon, si les césars avaient le dernier mot en matière de jugement critique, cela se saurait.
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Despentes n’est pas très exposée aux agressions sexuelles…
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Quand on a rien de mieux à dire que le silence….
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Aujourd’hui peut-être pas (encore que de telles agressions arrivent dans tous les milieux, dans toutes les couches sociales) mais on peut rappeler que Virginie Despentes a été violée à 17 ans et l’a même évoqué dans un livre. Elle peut donc légitimement parler du sujet.
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