Des grands cinéastes de la comédie à l’italienne, Mario Monicelli fut le plus drôle. On peut à nouveau s’en convaincre en revoyant Le Pigeon (1958). Si c’est un film qui, avec d’autres, annonce le genre à venir, c’est aussi et surtout une formidable comédie, forte de dialogues hilarants de Age et Scarpelli (duo émérite), Suso Cecchi d’Amico et Monicelli lui-même, d’un scénario à l’invention constante qui ne déçoit jamais ses promesses et débouche sur une des scènes les plus célèbres du cinéma italien : des voleurs incapables mangeant des pâtes aux pois chiches dans une cuisine faute d’avoir pu mener à bien leur cambriolage.
Comme souvent chez lui, Monicelli s’intéresse à une communauté de personnages, chacun défini en quelques annotations par le scénario. Il y a Peppe, le boxeur aux gros bras et à la petite cervelle, Tiberio, le photographe maladroit embarrassé d’un bébé, Mario, l’orphelin qui a plusieurs mères, Michele, le sicilien jaloux qui séquestre chez lui une soeur sublime, Capannelle, un gangster aux portes de la maison de retraite mû par d’irrésistibles fringales, Dante, perceur de coffre-fort donnant ses conseils sur le toit de son immeuble. Une galerie de figures pathétiques et hautes en couleurs, inépuisable source de gags perpétrés par des acteurs géniaux et parfaitement choisis : Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, Renato Salvatori, Toto, Tiberio Murgia, et la toute jeune Claudia Cardinale. Cette bande de bras cassés (littéralement pour Tiberio) va se mettre en tête de cambrioler le Mont-de-piété en passant par un appartement mitoyen où vivent deux vieilles dames. L’affaire va tourner à la catastrophe sans lourdes conséquences pour la bande toutefois, comme dans le slapstick où les personnages sortent indemnes des pires destructions.
Ce qui rattache cette farce au genre de la comédie à l’italienne, c’est sa conscience de l’environnement social des personnages. Bien qu’il n’y ait pas ici l’ambition descriptive de Dino Risi présidant à Une Vie difficile (récit de la perte des illusions de l’Italie d’après-guerre) et au Fanfaron (coupe de l’Italie du miracle économique), Monicelli nous montre avec chaleur un peuple d’escrocs à la petite semaine n’ayant nullement envie de monter dans le train en marche de la société de consommation, pour lesquels la prison vaut mieux que le travail (« attention, ils vont te faire travailler ! » lance Capanelle à Peppe quand celui-ci se retrouve par hasard dans une file de chercheurs d’emplois). Ils vivent dans des appartements de fortune, faits de bric et de broc, éclairés à la façon des films noirs (Le Pigeon est d’ailleurs structurellement un film de casse), Monicelli ayant récupéré les décors coûteux des Nuits Blanches (1957) de Visconti. Il lui emprunte aussi Mastroianni et l’aisance avec laquelle ce dernier passe d’un univers à l’autre donne la mesure de son talent.
Faire un cambriolage, c’est une affaire plus sérieuse que travailler, dit un compère alors que les choses commencent à mal tourner. Trop sérieuse sans doute pour nos inoffensifs voleurs prévenus à moindre frais quand l’ordre reprend ses droits. Déjà, c’est l’ordre qui l’emportait dans le très drôle Un Héros de notre temps (1955) de Monicelli, mais de manière plus grinçante. De fait, Le Pigeon malgré un passage mortel sous un tramway est dénué de la noirceur qui caractérise habituellement le genre de la comédie à l’italienne. Tel ne sera pas le cas dans La Grande Guerre qui va suivre, grand film à la chute terrible avec Alberto Sordi et Vittorio Gassman, toujours réalisé par Monicelli. Un très sympathique thème jazzy de Piero Umiliani accompagne les tribulations de nos anti-héros. Ce classique fut un très grand succès public, en Italie et ailleurs. Le titre français n’a rien à voir avec la signification du titre original italien qui se rapporte à ces cambrioleurs inconnus ayant consenti d’immenses efforts pour voler un plat de pâtes.
Strum
PS : selon certaines sources, l’intrigue ou tout du moins sa chute serait inspirée d’une nouvelle d’Italo Calvino (Vol dans une pâtisserie). A vérifier dans le texte.
Un classique intemporel vu et revu en ciné-club durant mon adolescence. Un de ces films où tout est réussi (casting, scénario) où l’humour marche de pair avec l’humanité des personnages. Une comédie parfaite.
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Un film où tout est réussi en effet et se conjugue pour produire une comédie que l’on peut voir et revoir avec le même plaisir.
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Un classique intemporel … que je n’ai jamais vu, mais ton texte me rappelle l’urgence d’une séance de rattrapage 😉
Je constate à nouveau la porosité qui existe entre cinéma de gaudriole de Monicelli et celui, plus respectable de Visconti, par l’utilisation de décors communs.
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A voir d’urgence en effet, d’autant que c’est une excellente introduction à la comédie à l’italienne où se nichent nombre de trésors ! A part les décors et Mastroianni, pas beaucoup de porosité quand même entre Le Pigeon et Les Nuit blanches. Le Monicelli est meilleur que le Visconti.
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Il me semble avoir vu un remake américain avec un tout jeune Sean Penn dans le rôle de Mastroianni.
Je ne sais si le film est inspiré d’une nouvelle de Calvino, moi j’ai toujours cru qu’il s’agissait d’un pastiche – ou comment dire d’une variation italienne du « hold up » professionnel – de Du Rififi Chez les hommes de Jules Dassin.
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Sean Penn en Mastroianni, on a du mal à l’imaginer, mais un remake oui, c’est fort possible que tu en aies vu un car il y en a eu plusieurs je crois (même une suite). Pour les sources d’inspiration, je ne saurait dire ce qu’il est, je n’ai ni lu la nouvelle Calvino, ni vu le film de Dassin que je possède pourtant depuis des lustres.
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Jules Dassin, cinéaste à redécouvrir. Désormais restauré, il faut surveiller la possible ressortie en salle des Forbans de la nuit. Grand film noir dans un Londres labyrinthique vu lors du festival Lumière 2018.
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Les Forbans de la nuit, film exceptionnel en effet, dans mes 100 préférés même. Raison de plus pour voir Rififi, c’est vrai.
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Crackers (1984) si j’en crois mes passables recherches, un film non distribué en France. Et j’insiste je crois que Penn reprends le rôle de Marcello qui est le Marcello d’avant La Dolce Vita…
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Ce serait un film de Louis Malle … non c’est impossible je suis passé dans la 4e dimension!
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Sean Penn qui joue Mastroianni dans un film de Louis Malle, cela fait 4e dimension en effet ! 😀
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Salut Strum
Excellente comédie à l’italienne, inusable. A mon goût, il manque juste Alberto Sordi au casting. En coécrivant le scénario, je suis persuadé que Monicelli devait penser à Sordi mais l’acteur tournait beaucoup à l’époque et avait dû prendre un engagement sur un autre film.
J’ai chroniqué aujourd’hui-même sur mon blog Les camarades du même Monicelli. Film un peu oublié et à redécouvrir en version restaurée en salle depuis ce mercredi. On y retrouve notamment Salvatori et Mastroianni dans un récit plus historique et dramatique. Mastroianni y brille dans un rôle assez complexe.
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Hello InCiné, j’adore Sordi qui est mon comédien italien préféré avec Mastroianni. Il a une personnalité tellement forte cependant qu’il aurait peut-être déséquilibré cette petite communauté de voleurs branquignols s’il avait joué dans le film. En effet, Les Camarades ressort et je vais me faire une joie de le voir ce week-end et de le chroniquer également ! 🙂 Je passe te lire.
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C’est vrai, par son talent, Sordi éclipse souvent le reste du casting. Mais avec Mastroianni à ses côtés, je pense que Monicelli, qui était aussi un excellent directeur d’acteurs, aurait trouvé un juste équilibre.
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Honte sur moi je ne l’ai pas vu. Je vais rattraper ça mais c’est gênant car dès que Marcello et encore plus Vittorio apparaissent je lèche l’écran.
Je ne me remets pas encore. Je viens de voir au cinéma Breaking away (jamais vu) où les 2 De(n)nis sont ……… (remplir les pointillés).
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Surtout que c’est un film très abordable et agréable à voir. Gassman y a un plus grand rôle que Mastroianni, cela tombe bien pour toi. Pas vu Breaking away, mais pas très tenté.
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Ayé c’est commandé et en chemn vers ma boîte aux lettres.
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@Pascale, je jette un œil à l’instant sur canalsat au film Liza de Marco Ferreri, Oh pas un chef d’œuvre, mais Marcello est très beau dans ce film, vous devriez le voir… mais que dire de Catherine Deneuve qui est belle à s’en suicider.
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Oh merci JR.
Je n’ai pas canal et compagnie mais j’aime qu »on m’oriente vers les beaux garcons qui me donnent plus envie de vivre que de me suicider.
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J’adore ce film, dont l’humour n’a pas pris une ride ! Des scènes d’anthologie qui me font toujours autant rire.
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Effectivement, pas une ride, c’est à cela qu’on reconnait certains classiques ! 🙂
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