Affiche du Festival de Cannes 2017 : Claudia Cardinale cartoonisée

Image

Le festival de Cannes 2017 vient de dévoiler son affiche. Conformément au modèle suivi depuis plusieurs années, il s’agit d’une photo d’époque d’une star de cinéma intégrée sur fond de couleur vive (voir ci-dessus la photo d’origine à gauche et le résultat à droite). Comme cela a été relevé et comme on peut le voir en comparant les photos, la silhouette de la belle Claudia a été affinée par des graphistes zélés, notamment ses cuisses et ses bras devenus brindilles. Futile polémique à l’heure où toutes les photos de magazines, toutes les affiches, passent par les fourches caudines de graphistes armés de photoshop ? L’occasion surtout de dire ce que ce procédé révèle :

Une incapacité à comprendre qu’il est nécessaire de préserver la mémoire des formes et des goûts du passé et que c’est justement une des missions du cinéma que de le faire. Le réflexe facheux du recours systématique à photoshop et autres logiciels graphiques sur n’importe quelle affiche ou photo à usage commercial, sans réfléchir aux conséquences de cette uniformisation, sans s’interroger sur ce que cette facilité avec laquelle on manipule les images révèle des apparences de notre monde. Un manque d’éthique des graphistes et/ou des commanditaires de l’affiche ou un manque de contrôle de ces derniers sur le produit fini. Un manque d’élégance vis-à-vis d’une des plus belles femmes du cinéma – comment, Claudia ne serait pas suffisamment bien, ne serait pas suffisamment mince ? Une uniformisation esthétique imposée par le goût d’aujourd’hui qui fait miroiter des canons de beauté douteux sur un plan physiologique (la vraie Cardinale est une femme magnifique, la silhouette d’une inquiétante maigreur sur la droite semble sortie d’un dessin animé sinon d’une clinique pour anorexiques) et voudrait faire croire que ces éphémères normes de l’époque sont devenues les canons absolus de la beauté tous âges confondus.

Qu’un festival qui s’enorgueillit de préserver la mémoire du cinéma (et donc du corps de ses actrices) puisse cautionner, fut-ce indirectement, cette opération de normalisation esthétique (du glamour ? Quel glamour ?) est pitoyable. Et que Claudia Cardinale ait réagi pour dire que cela n’avait pas beaucoup d’importance n’ôte au procédé ni sa grossièreté ni sa bétise, mais souligne simplement l’intelligence de l’actrice qui possède l’élégance qui fait défaut à ce festival hypocrite et obsédé par les apparences. La photographie de départ était belle, l’affiche du festival ne montre qu’un ersazt modernisé et cartoonisé de la belle Claudia. Si l’on suit la logique ayant présidé à cette affiche, faut-il maintenant craindre que les mêmes esprits normalisateurs et inconscients retouchent, à l’occasion de futures rééditions, les films de Cardinale parce qu’ils la trouveraient trop en chair, trop réelle, trop femme dedans ou s’en prennent par la suite aux plantureux nus de certains tableaux classiques ?

Strum

Cet article, publié dans cinéma, Réflexions sur le cinéma, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

11 commentaires pour Affiche du Festival de Cannes 2017 : Claudia Cardinale cartoonisée

  1. 100% d’accord avec toi, Strum. Il n’y a rien à ajouter et je ne peux que te féliciter pour ton commentaire. Tout cela est affligeant et décourageant. Je n’avais déjà pas une grande estime pour ce festival, ça se confirme donc.

    J’aime

  2. princecranoir dit :

    Dérive lucassienne du gommage, de l’ourlet photographique et de la retouche Cardinale. Pourquoi pas Yul Brynner avec des cheveux tant qu’on y est !

    J’aime

    • Strum dit :

      D’ailleurs, j’ai failli demandé dans mon texte si on aurait rajouté des cheveux à Piccoli sur l’affiche de l’année dernière (avant de voir qu’il portait son chapeau…)

      J’aime

  3. Ronnie dit :

    Ou Lolo Ferrari avec des gros seins 😉

    J’aime

  4. Martin dit :

    « Dérive lucassienne », dixit notre bon prince. J’aime beaucoup l’expression !

    Elle m’enquiquine, cette histoire ! J’aime trop Cannes pour (ou son histoire) pour être vraiment en colère, mais quel loupé, en effet ! Bon… si la signorina Claudia ne trouve rien à redire, je suis encore plus troublé… embêté… perturbé…

    En fait, ce qui m’agace le plus, c’est qu’au départ, je crois bien que beaucoup de gens (moi le premier) ignoraient l’existence de cette photo. Et que, du coup, les indignations ne viennent que de la comparaison tardive du cliché originel avec la retouche cannoise…

    D’ailleurs, avec tout ça, je ne crois pas avoir entendu le nom du photographe premier !
    Des infos là-dessus, Strum ?

    J’aime

    • Strum dit :

      Je crois qu’on ne connait pas le nom du photographe. Quant à la réaction élégante de Cardinale, il ne faut pas la prendre pour argent comptant : pour des raisons évidentes, elle ne peut pas vraiment livrer le fond de sa pensée.

      J’aime

  5. modrone dit :

    Moi je n’aime pas Cannes pour mille raisons. Sinon il faut absolument aussi affiner les beautés de Rubens, arrondir celles de Modigliani, raccourcir la IXème de Beethoven, coloriser Citizen Kane, dénasiller la voix de Dylan, blancher un peu les oeuvres de Soulages, et unifier les costumes d’Arlequin. On a déjà il y a quelques années rendu M.Hulot non fumeur. Grotesuqe et pathétique.

    J’aime

  6. Kawaikenji dit :

    en même temps c’est vrai qu’elle était un peu grosse, elle m’a toujours laissé de marbre. C’est Cardinale le mauvais choix, pas les retouches.

    J’aime

Laisser un commentaire